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Le marsouin aptère du Yangtsé refait surface

Par XIN DINGDING

Le lac Poyang converge avec le fleuve Yangtsé à Hukou, dans la province du Jiangxi. PROVIDED TO CHINA DAILY

Le lac Poyang converge avec le fleuve Yangtsé à Hukou, dans la province du Jiangxi. PROVIDED TO CHINA DAILY

Les efforts déployés en faveur de l’environnement redonnent vie à une espèce menacée.

Dans le comté du Hukou, province du Jiangxi, les eaux du fleuve convergent avec celles du lac Poyang. En cet endroit, les membres d’une patrouille conduite par Shu Yin’an constatent de leurs propres yeux la résurgence de l’ondoyant marsouin aptère du Yangtsé. M. Shu, né il y a 57 ans dans une famille de pêcheurs, vient de remiser son filet pour prendre les rênes de la protection environnementale et de la restauration écologique sur les berges du fleuve le plus long de l’Asie. Selon lui, il était relativement courant d’apercevoir des marsouins aptères du Yangtsé dans les années 1980 et 1990. Mais au début des années 2000, leur nombre avait commencé à diminuer, en raison principalement des activités humaines. « Des semaines se passaient sans qu’on entrevoie une seule fois ces créatures majestueuses », se rappelle M. Shu. « Mais ce n’était pas seulement vrai des marsouins, toutes les populations de poissons déclinaient, à tel point que l’on revenait parfois bredouille d’une sortie de pêche ».

Un marsouin aptère du Yangtsé observé près de Hukou, dans le Jiangxi. PROVIDED TO CHINA DAILY

Un marsouin aptère du Yangtsé observé près de Hukou, dans le Jiangxi. PROVIDED TO CHINA DAILY

Au bout de quatre années d’interdiction de pêche dans la partie Jiangxi du bassin fluvial, qui inclut le lac Poyang, parallèlement à d’autres mesures de préservation, M. Shu commence à remarquer une augmentation sensible de la quantité de poissons, ainsi que de marsouins. « Les observations de marsouins deviennent plus fréquentes et il arrive qu’on repère une mère et son petit », précise-t-il. Les marsouins aptères du Yangtsé sont répartis sur les cours moyen et inférieur du bassin du fleuve, la zone comprenant Poyang – le plus grand lac d’eau douce de Chine –, ainsi que le lac Dongting et le cours principal du Yangtsé. Classés comme espèce en danger critique et inscrits sur la liste des animaux sauvages sous protection nationale de première catégorie, ils sont censés être un indicateur vital de l’état de l’écosystème du Yangtsé en raison de leur sensibilité aux changements environnementaux. Selon des enquêtes réalisées tous les cinq ans par le ministère de l’agriculture et des affaires rurales, la population des marsouins dans le cours principal du Yangtsé a chuté entre 2006 et 2017, passant de 1 225 à 445, soit une baisse de 64%.

La situation était d’une gravité semblable dans l’ensemble du bassin fluvial. Hao Yujiang, un chercheur de l’institut d’hydrobiologie de l’académie des sciences de Chine, a indiqué dans un article publié l’an dernier que la population des marsouins était passée, de 3 600 au début des années 1990 à 1 800 en 2006, un recul qui s’est poursuivi jusqu’à environ 1 040 en 2012. L’enquête du ministère montre qu’en 2017, le nombre de marsouins dans l’ensemble du bassin fluvial s’établissait à 1 012. M. Hao rappelle que jadis, le Yangtsé se prévalait d’un écosystème riche et varié, qui en faisant l’un des deux fleuves au monde abritant deux sortes de cétacés, l’autre étant l’Amazone en Amérique du Sud. Au cours des dernières années, la Chine a adopté une série de mesures portant notamment sur la protection des habitats des marsouins, leur transfert et la création de bases d’élevage artificielles ainsi que d’annexes d’éducation scientifique dans des institutions de recherche et des aquariums adaptés.

Shu Yin’an, chef d’une équipe de patrouille, partage ses connaissances sur la préservation des marsouins aptères. GUO JIEWEN / XINHUA

Shu Yin’an, chef d’une équipe de patrouille, partage ses connaissances sur la préservation des marsouins aptères. GUO JIEWEN / XINHUA

Ces initiatives produisent des effets positifs. Une enquête de 2022 réalisée par l’autorité nationale de l’agriculture, a montré que la population des marsouins avait rebondi pour atteindre le chiffre de 1 249, qui marquait un retournement par rapport au précédent déclin. Le lac Poyang dans le Jiangxi constitue un habitat vital pour le marsouin. Selon l’enquête de 2022, il contenait à lui seul 492 marsouins aptères, ce qui représentait près de 40% de la population totale. La province procède actuellement à la réalisation de sa première base de transfert pour la protection du marsouin. Prévue sur une surface totale de 800 hectares à Hukou, cette base devrait pouvoir accueillir jusqu’à 64 marsouins une fois terminée. La fluctuation du niveau de l’eau dans le lac Poyang est telle que la superficie du lac varie de façon spectaculaire, ce qui peut poser des problèmes pour la vie marine. Les niveaux les plus élevés interviennent en juillet pour redescendre progressivement jusqu’à la saison sèche entre octobre et mars. De précédents comptes rendus indiquent qu’en fonction du niveau de l’eau, la superficie du lac peut varier entre 500 et 4 000 kilomètres carrés. Au pire, dans sa plus grande partie, le lit du lac était recouvert d’herbe et de zones humides.

« Lors des saisons sèches, des groupes de marsouins se réfugiaient dans les lacs en forme de soucoupes qui se constituaient, ce qui présentait un grave danger pour leur sécurité », dit Yu Xianhua, chef du centre de protection de la vie aquatique dans le comté du Hukou. Il explique que lorsque des marsouins échouent dans les « lacs assiettes » – ceux qui sont séparés du corps principal de la pièce d’eau en saison sèche – ou dans des trous profonds, son équipe de protection et des organismes semblables prennent des mesures d’urgence pour les secourir, notamment pour les alimenter et les transférer. En février de l’an dernier, alors qu’une grave sécheresse frappait le Jiangxi, plus de 100 marsouins menacés par un manque de profondeur dans le lac Poyang furent orientés vers des eaux plus profondes avant que la situation ne se dégrade, et huit marsouins furent transportés en sécurité sur des bases de transfert dans les provinces de l’Anhui et du Hubei, ainsi que sur un site d’assistance provisoire à Hukou.