Des humains virtuels stimulent le commerce en ligne

Par FAN FEIFEI

Les technologies de l’humain numérique utilisées pour les séances de live streaming ont été présentées à la quatrième Exposition internationale des produits de consommation de Chine à Haikou, dans la province du Hainan, en avril. LUO YUNFEI / CHINA NEWS SERVICE

Les entreprises économisent beaucoup d’argent grâce aux avatars capables de diffuser en direct, 24 heures sur 24, la promotion de leurs produits.

Grâce à l’intelligence artificielle, un double numérique de Liu Qiangdong, le fondateur et président de JD, la société de commerce en ligne chinoise, est apparu en avril dans deux des salles de diffusion en direct (« live streaming ») de la firme pour promouvoir une variété de produits comprenant notamment de la viande, de l’huile comestible, des œufs, du lait, des climatiseurs et des téléviseurs. Alimenté par ChatRhino, le grand modèle de langage de JD, l’avatar virtuel reproduit presque à la perfection les expressions faciales de M. Liu, son langage corporel, ses gestes, sa voix et son accent, saisissant même les mouvements les plus subtils de ses doigts. L’avatar de M. Liu a généré plus de 20 millions de vues rien qu’au cours de la première heure et fait rentrer 50 millions de yuan (6,4 millions d’euros) de recettes sur toute la durée des séances de diffusion en temps réel.

Le double numérique, alimenté par l’intelligence artificielle, de Liu Qiangdong, le fondateur et président de JD, la société de commerce en ligne chinoise, faisant la promotion de produits lors d’une séance de live streaming en avril. PROVIDED TO CHINA DAILY

Les présentateurs virtuels offrent un aperçu du secteur en pleine croissance du commerce en ligne chinois, qui utilise des hôtes virtuels alimentés par l’intelligence artificielle (IA) pour proposer des produits et stimuler les ventes. Les vendeurs en ligne et les entreprises technologiques accentuent leurs efforts visant à promouvoir l’utilisation d’humains numériques dans leurs campagnes de live streaming. Selon les données du cabinet-conseil iiMedia Research, le chiffre d’affaires du commerce en ligne par live streaming en Chine a atteint 1,7 billions de yuan l’an dernier, en hausse de 16% en année glissante. Cette somme devrait s’élever à 2,14 billions de yuan en 2025. La taille du marché chinois de l’humain virtuel devrait représenter 270 milliards de yuan à l’horizon 2030, selon un rapport de QbitAI, une plateforme de services à l’industrie axée sur l’IA et les autres technologies de pointe. L’application des hôtes virtuels dans le commerce en ligne par live streaming va probablement connaître cette année une croissance rapide, sous la poussée de la demande des utilisateurs, des progrès dans la technologie IA et dans la politique d’assistance, estime Zhang Yi, PDG et analyste en chef du cabinet iiMedia Research.

Pour lui, les principaux défis résident dans la latitude dont disposeront les présentateurs virtuels pour mieux interagir avec les utilisateurs et comprendre plus précisément leurs demandes pendant les séances de live streaming. D’autres grandes plateformes accélèrent leur agencement relatif à l’application d’humains virtuels dans leurs activités de live streaming. Tmall, le marché en ligne vendeur-acheteur (« business-to-customer ») d’Alibaba, lance des modèles IA virtuels pour offrir aux utilisateurs une expérience commerciale plus personnalisée. Grâce à la technologie de live streaming de l’humain numérique, Taobao, le marché en ligne d’Alibaba, propose aux commerçants des services de commercialisation concernant les campagnes de diffusion en temps réel. Le site de discount PDD Holdings déploie une série d’événements d’introduction de produits en faisant appel à des présentateurs numériques pour attirer un plus grand nombre d’utilisateurs. Selon le cabinet-conseil international Forrester, les marques B2C (« business-to-customer ») utilisent de plus en plus des hôtes virtuels pour attirer les jeunes consommateurs doués en numérique et en quête de nouveautés, car ils sont moins coûteux que les hôtes humains et ne causent pas de scandales liés à la célébrité qui seraient susceptibles de nuire à leur image.

Qianxun Holdings, l’une des premières sociétés chinoises de live streaming, a dévoilé un service d’hébergement IA et une plateforme de services de live streaming IA à guichet unique. Tao Yadong, un associé de Qianxun Holdings et PDG de Qianyu Intelligence, indique que le coût de fonctionnement d’une salle de live streaming traditionnelle, y compris une douzaine d’employés et le matériel afférent, tourne généralement autour de 150 000 à 250 000 yuan par mois. Par comparaison, les propriétaires de marques n’ont à débourser que quelques milliers de yuan pour faire marcher une salle de live streaming virtuelle sous la conduite d’un hôte virtuel. « Toutefois, les présentateurs numériques ne peuvent pas complètement remplacer les vrais humains, car il leur est difficile de bâtir une relation de confiance avec les amateurs » de la technologie, précise M. Tao. Ping Xiaoli, vice-présidente de la société technologique chinoise Baidu Inc. et directrice générale du commerce en ligne de Baidu, juge que par rapport aux humains, le principal avantage des avatars numériques réside dans les substantielles économies que font les commerçants en matière de coûts de fonctionnement, dans le fait que les avatars travaillent 24 heures sur 24 sans pause café ni visite aux toilettes et qu’ils augmentent en conséquence les ventes des produits.

Le personnel expliquant aux visiteurs comment communiquer avec un avatar numérique lors de la conférence Apsara à Hangzhou, dans la province du Zhejiang, le 31 octobre 2023. LI ZHONG / FOR CHINA DAILY

« Un nombre grandissant de marques cherchent à utiliser des êtres virtuels pour la diffusion en direct et d’autres types de campagnes de marketing, ce qui permettra aux entreprises de réduire d’au moins 50% leurs coûts en économisant sur les sites en dur de live streaming, sur la quincaillerie et l’embauche de présentateurs humains », analyse Li Shiyan, directeur de la section humain numérique et robotique de Baidu. Cependant, le secteur de l’humain virtuel en est encore à un stade naissant de son développement ; il est donc confronté à plusieurs défis, concernant notamment la production d’actifs numériques à bas coût et de contenu digital, ainsi que l’aptitude des humains numériques à interagir de manière plus naturelle avec de vraies personnes, tempère M. Li. Le recours aux hôtes virtuels dans les séances de live streaming peut apporter un sentiment de fraîcheur aux utilisateurs, tandis que les propriétaires de marques peuvent attirer de nouveaux consommateurs à l’aide de cette méthode innovante, confirme Mo Daiqing, analyste principale du cabinet-conseil Internet Economy Institute.

Elle considère que les humains numériques alimentés par l’intelligence artificielle sont en mesure de renforcer l’efficacité de fonctionnement, d’améliorer l’expérience commerciale du consommateur et de promouvoir le développement du secteur du commerce en ligne par live streaming. Mais pour elle non plus, ils ne remplaceront pas totalement les vrais hôtes humains. Pan Helin, membre du comité d’experts pour l’économie de l’information et de la communication, qui est placé sous l’égide du ministère de l’industrie et des technologies de l’information, se dit optimiste quant aux perspectives commerciales des humains virtuels dans le segment du commerce en ligne par live streaming. Des avatars numériques ont aussi été mis en service dans un large éventail d’autres segments, notamment les loisirs, l’éducation, la mode, la culture et le tourisme. Aujourd’hui, les humains numériques ont déjà fait preuve de leur indéniable valeur commerciale dans plusieurs domaines, fait remarquer Lu Yanxia, directrice de la recherche au cabinet-conseil IDC China, en ajoutant que des équipes d’humains numériques à grande échelle coexisteront à l’avenir avec les humains dans la vie et au travail. Chen Duan, directrice du centre de développement, d’intégration et d’innovation de l’économie numérique à l’université centrale des finances et de l’économie, attire l’attention sur de nouveaux problèmes qui sont aussi apparus dans le secteur de l’humain numérique. Selon elle, il convient de faire plus d’efforts pour formuler des lois et des règlementations en matière de propriété de personnages numériques et de normalisation de leur comportement, de même que toutes les parties concernées par l’industrie de l’humain numérique doivent renforcer leur coopération en vue de prévenir les risques juridiques et éthiques.