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Quand la danse aérienne du lion soulève les passions

Par YANG FEIYUE et HU MEIDONG

Chen Jihong (premier à partir de la gauche) et sa troupe exécutant une représentation de la danse du lion à cordes en août 2023 dans le village de Xingxian, ville de Huotong à Ningde, dans la province du Fujian. PROVIDED TO CHINA DAILY

Chen Jihong (premier à partir de la gauche) et sa troupe exécutant une représentation de la danse du lion à cordes en août 2023 dans le village de Xingxian, ville de Huotong à Ningde, dans la province du Fujian. PROVIDED TO CHINA DAILY

De jeunes « marionnettistes » acquièrent progressivement la maîtrise de la délicate technique requise pour tenir le public en haleine devant le spectacle de la « créature ».

Donnez un fil à un pêcheur et il y attachera un hameçon pour prendre un poisson ; donnez-le à un ressortissant de la ville de Huotong et il fera voler un lion. En effet, nombreux sont les enfants qui grandissent à Ningde, dans la province du Fujian, en ayant très tôt l’impression que les lions peuvent réellement voler, car ils sont exposés dès leur plus jeune âge à l’art populaire local de la danse du lion articulé par des cordes. C’était à la mi-mars dans le village de Xingxian. De loin, de multiples lions de bambou à la crinière riche en couleurs étaient visibles bien au-dessus d’une petite scène en bois, chacun s’occupant de soi-même. De plus près, il était possible de voir qu’ils étaient reliés entre eux par ce qui ressemblait à une multitude de longues cordes manipulées par une équipe de jeunes gens derrière la scène. Au cours du spectacle, ces jeunes gens se dépensaient sans compter, usant parfois de leur poids pour tirer sur les cordes, et d’autres fois sautillant sur place pour manipuler les fils qui semblaient former un réseau neural, le tout dans le but d’animer les lions en les faisant se tapir puis se réveiller, sauter puis courir de droite et de gauche ou encore se disputer un ballon.

Chen Jihong peignant un lion pour un spectacle donné dans la salle ancestrale du village de Xingxian. PROVIDED TO CHINA DAILY

Chen Jihong peignant un lion pour un spectacle donné dans la salle ancestrale du village de Xingxian. PROVIDED TO CHINA DAILY

Les applaudissements du public crépitèrent au moment où les lions s’immobilisèrent et un groupe de jeunes garçons sortit de derrière le rideau. « C’est mon moment le plus heureux, celui où l’on reçoit l’hommage du public », dit Chen Jihong, 24 ans, qui dirige l’équipe d’une trentaine de membres âgés de 13 à 24 ans. Comme beaucoup d’autres gamins dans la région, Jihong enfant a été pour la première fois fasciné par la danse quand sa mère l’emmena voir un spectacle de lanternes à l’occasion de eryue’er, le deuxième jour du deuxième mois lunaire qui est aussi connu sous le nom de longtaitou, c’est-à-dire le jour où le dragon redresse la tête. Huang Zhenqiao, un héritier émérite de la tradition qui a été inscrite au patrimoine culturel immatériel national en 2006, dit que la danse du lion à cordes remonte à environ 1 300 ans et constitue l’un des spectacles les plus séduisants à la fête des lanternes locale ce jour-là. Il ajoute que le final du spectacle unit la prestation de l’homme et du lion, au cours duquel les lions s’inclinent devant le public pour exprimer leur gratitude et offrir leurs vœux de beau temps propice aux cultures. Chen Jihong monta sa propre troupe en 2014, répondant à sa passion pour une tradition profondément enracinée dans sa ville natale. Il consulta ses aînés pour apprendre à fabriquer les lions. La première étape est d’en façonner un à partir du moso, un bambou local. « Le bambou doit provenir de la sorte qui pousse au sud ou juste au nord des montagnes, car il tend à être solidifié par la lumière naturelle plus forte qu’il reçoit », dit-il. « Il convient que les nodules du bambou soient un peu plus longs, de sorte qu’ils soient moins susceptibles d’éclater quand ils sont hachés ; il convient aussi de toujours choisir du bambou mûr comme l’indiquent les taches rouges qui le recouvrent ». Le bambou est fendu, son écorce séparée et cuite sur un feu. « Le papier est collé sur le bambou et la peinture appliquée », explique M. Chen en ajoutant que les étapes suivantes consistent à assembler la crinière et peindre les décorations. « Il faut au moins un mois pour faire un lion », précise-t-il.

L’équipe de Chen au cours d’un essai des cordes avant un spectacle au village. PROVIDED TO CHINA DAILY

L’équipe de Chen au cours d’un essai des cordes avant un spectacle au village. PROVIDED TO CHINA DAILY

La danse du lion à cordes se transmettant strictement selon une lignée familiale, il était difficile à l’équipe de Chen de trouver un formateur. « Nous avons assisté à des représentations en ville et regardé des vidéos de spectacles de danse du lion à cordes, apprenant au fur et à mesure que nous regardions, puis nous en avons progressivement maîtrisé la technique », commente son directeur. Pendant la danse, les « marionnettistes » ne peuvent pas voir les lions sur la scène ; ils doivent donc se baser entièrement sur le rythme des tambours et des gongs pour contrôler leurs gestes. Un lion à cordes pèse au moins 10 kilogrammes, un lion de grande taille pouvant peser plus de 20 kg. Il faut de l’habileté et de la coordination pour le faire sauter et danser en agissant sur les cordes, une tâche qui est une épreuve de force physique et de travail d’équipe exigeant une pratique intensive. Depuis le contrôle de la tête, du corps et de la queue des lions ainsi que de la balle brodée après laquelle ils courent, jusqu’au battement des tambours et des gongs, chaque élément a ses propres exécutants qui œuvrent à la parfaite coordination de l’ensemble. Chen Chao, l’un des coéquipiers de Chen Jihong, dit en être venu à considérer la danse comme une carrière adorée. « La douleur causée par une blessure à l’entraînement est temporaire, mais la joie de maîtriser la technique dure longtemps », commente-t-il. Song Jiacheng est avec la troupe depuis quatre ans. Le garçon de 14 ans confie sa profonde émotion devant le travail cohérent des autres membres plus âgés et la façon dont il est parvenu à apprécier la beauté du spectacle. Pour Chen Jihong, « la danse du lion à cordes n’est plus seulement un loisir, mais aussi une passion, celle d’assurer la continuité d’un patrimoine culturel immatériel traditionnel ».

Article réalisé avec la collaboration de Yang Jie