Une aide à la cohabitation des humains et des éléphants
Par CHEN LIANG

Un groupe d’éléphants asiatiques cherchant de la nourriture dans une rizière du district autonome Hani et Yi de Jiangcheng, à Pu’er, dans la province du Yunnan. CHEN XINBO / XINHUA
Les populations rurales du Yunnan se voient proposer des moyens de vivre de la terre autrement.
La plupart des éléphants asiatiques sauvages du pays, plus de 280 têtes, sont répartis dans la préfecture autonome Dai de Xishuangbanna, dans la partie la plus méridionale de la province du Yunnan. Attirés par l’abondance de la nourriture disponible, notamment maïs et bananes, et s’accoutumant à la présence humaine, ces animaux majestueux s’aventurent dans des espaces habités par des gens. La proximité croissante entre les humains et les éléphants aboutit à des rencontres plus fréquentes entre les uns et les autres. Pour faire face au problème, les autorités locales et les organisations de sauvegarde ont mis en œuvre différentes stratégies. À Xishuangbanna, les autorités de la ville de Jinghong et celles du comté de Mengla ont ensemble créé l’équipe de sécurité, d’alerte et de contrôle relativement aux éléphants asiatiques (« Asian Elephant Safety Warning Monitoring Team »). Des équipes de « surveillants des éléphants » observent continuellement les mouvements des éléphants sauvages et fournissent aux populations locales des mises au point opportunes sur la localisation des animaux.

Des villageois récoltant des feuilles de thé dans le groupement de Konggeliudui à Jinghong, dans le Yunnan. CHEN LIANG / CHINA DAILY
Depuis le lancement du Programme de protection des éléphants asiatiques en 2000, le Fonds international pour la protection des animaux de Chine (International Fund for Animal Welfare, ou IFAW) concentre ses efforts sur l’aide aux populations locales, indique Ma Chenyue, directrice du programme IFAW China. « Les populations locales sont directement soumises aux pressions liées au nombre grandissant d’éléphants sauvages jusque dans leurs espaces habités », précise Mme Ma. « Leurs récoltes sont détruites ; leur sécurité est en péril quand elles vont s’occuper de leurs plantations de caoutchouc ou cueillir des champignons dans les forêts ; et elles font en réalité des sacrifices pour la sauvegarde des éléphants sauvages au détriment de leur développement économique. Alors nous nous sentons obligés de les aider à trouver des moyens durables de vivre en harmonie à côté des éléphants ».
En juin 2020, en collaboration avec le poste de protection de Mengyang de la réserve naturelle nationale de Xishuangbanna et la « Rainforest Foundation of Xishuangbanna » (fondation de la forêt tropicale de Xishuangbanna) – une organisation locale à but non lucratif –, IFAW China a lancé le projet « Community Livelihood Development to Promote Asian Elephant Protection » (développement des ressources communautaires visant à promouvoir la protection des éléphants asiatiques) dans le village de Daotangqing, commune de Mengyang à Jinghong. Cette collectivité, qui comprend 34 foyers et 150 habitants, avait été délocalisée à la fin des années 1990 et avait quitté la zone critique de la réserve naturelle nationale pour contribuer à la préservation des éléphants asiatiques, une espèce placée sous la protection nationale de premier niveau, fait savoir Cao Dafan, un agent du programme AEP (Asian Elephants Protection). Cependant, à la suite de la délocalisation, les éléphants sauvages se sont eux aussi aventurés dans la zone entourant le village. M. Cao raconte qu’une fois en 2022, les villageois eurent la visite d’une harde de 22 éléphants. Le 10 mai, Zhang Jiangmei, une villageoise, a dit avoir vu un éléphant se rendre dans un ruisseau près de son hameau pour se désaltérer et se baigner. M. Cao explique que la principale source de revenu des villageois provient de la culture des arbres à caoutchouc. Mais à la suite de la baisse des prix du caoutchouc au cours des cinq dernières années, leurs gains ont sensiblement diminué. « Alors nous nous sommes efforcés d’aider la population à rechercher d’autres sources de revenu pour réduire sa dépendance des arbres à caoutchouc », poursuit-il.

Un villageois récoltant du miel au village de Daotangqing, commune de Mengyang à Jinghong. CHEN LIANG / CHINA DAILY
M. Cao et ses collègues au sein d’une organisation non gouvernementale (ONG) décidèrent de promouvoir l’apiculture dans le village. En 2020, dans le cadre d’un projet à cet effet, 75 000 yuan (9 620 euros) furent investis dans l’acquisition de 100 ruches d’abeilles chinoises auxquelles furent ajoutées 100 ruches vides destinées à 10 familles du village de Daotangqing. Outre l’apiculture, l’ONG a initié les villageois aux cultures de rapport, notamment de mangues et de noix de macadamia. En 2021, la chute des prix du caoutchouc les incita à éliminer les arbres à caoutchouc sur 15 hectares de terre. « C’est alors que nous avons saisi la chance de recommander la plantation de manguiers et de macadamias », souligne M. Cao. Lui et les membres de son équipe invitèrent à Daotangqing des spécialistes de l’Institut des récoltes tropicales à Jinghong et formèrent les villageois à l’exploitation de leurs vergers. M. Cao précise que « la culture des mangues a commencé à générer des profits pour les villageois l’an dernier et les noix suivront l’an prochain ».
En décembre dernier, le projet a été étendu à la collectivité de Konggeliudui dans la commune de Dadugang à Jinghong, où résident 39 foyers. Plus de 60 éléphants asiatiques sauvages errent dans le voisinage. La ressource principale de la collectivité tourne autour du caoutchouc et de la culture du thé. « Notre projet est prévu pour combiner l’apiculture avec l’autonomisation des habitants, l’amélioration de leurs aptitudes et de leur revenu tout en réduisant leurs activités forestières », conclut M. Cao. Pendant la période inaugurale du projet en décembre, les 100 premières ruches ont été distribuées auprès de 10 ménages de la collectivité.

Zhang Jiangmei (à gauche) assise avec Ma Chenyue et Cao Dafan dans village de Daotangqing. CHEN LIANG / CHINA DAILY
Les écologistes se sont également aperçu que la broderie traditionnelle pratiquée par quelques personnes âgées, dont l’une est héritière du patrimoine culturel immatériel, a le potentiel de devenir une source de revenu pour les villageois en leur permettant d’offrir des services aux visiteurs, car Konggeliudui est proche de la zone pittoresque de la Vallée des éléphants sauvages, une importante attraction touristique de Xishuangbanna. Les autorités locales ont déjà contribué à la construction d’un atelier dans le village, annonce sa responsable, Yang Yan. « Pendant nos moments de loisirs, nous avons la possibilité d’apprendre avec notre héritière en matière de broderie à faire des vêtements traditionnels », dit-elle, en ajoutant qu’il lui faut plus d’un mois pour réaliser un costume traditionnel et que les villageois peuvent vendre aux visiteurs les habits qu’ils fabriquent.