Les ruines de Yinxu au palmarès archéologique chinois
Par WANG RU et WANG KAIHAO
Des archéologues transportant le fossile d’un crâne humain mis au jour à Xuetangliangzi, dans la province de l’Hubei. PROVIDED TO CHINA DAILY
Vieux de 3 300 ans, les vestiges de ce qui fut jadis la capitale de l’ancienne dynastie Shang, qui a régné entre le 16ème siècle environ et le 11ème avant notre ère, ont été répertoriés dans la liste des 10 premières découvertes archéologiques chinoises de 2022.
Publiée le 28 mars dernier par l’administration nationale du patrimoine culturel, cette liste classe au rang d’une découverte nouvelle les vestiges du mausolée royal sur le site de la ville d’Anyang, dans la province du Henan. Les ruines de Yinxu devaient précédemment leur renommée à la découverte d’inscriptions divinatoires sur des ossements, qui représente le plus ancien système d’écriture chinois. Selon l’administration, la liste met a honoré 10 exemples exceptionnels de près de 1 700 projets archéologiques exécutés dans tout le pays l’an dernier.
Yinxu fut le premier projet de fouille indépendant réalisé il y a près d’un siècle par des universitaires chinois, et il occupe aujourd’hui une place sacrée dans les annales de l’histoire archéologique de la Chine. Les fosses sacrificielles et les tranchées entourant les tombes royales, qui ont été mises au jour à Yinxu l’an dernier, ont conduit les gens à repenser à la fois la conception qu’ils avaient des coutumes funéraires Shang et l’idée générale qu’ils se faisaient de la dynastie dans son ensemble, estiment les archéologues. Les Xia (entre le 21ème siècle environ et le 16ème avant notre ère), les Shang et les Zhou (entre le 11ème siècle environ et l’an 256 avant notre ère) – soit les plus anciennes dynasties dans l’historiographie chinoise dont il subsiste peu de données historiques – ont toujours focalisé l’intérêt des chercheurs, car elles étaient censées être la clé du décodage des origines de la civilisation chinoise.
Un objet décoratif en bronze trouvé sur le site du complexe funéraire de Dasongshan, dans la province du Guizhou. PROVIDED TO CHINA DAILY
Outre les ruines du mausolée royal de Yinxu, la liste des 10 premiers sites comprend le réseau routier quadrillé d’Erlitou à Luoyang, dans la province du Henan. Ce site est généralement considéré comme ayant été la capitale de la dynastie Xia vers la fin de son règne. Également inclus dans la sélection finale : le site archéologique de Xitou dans le comté de Xunyi, dans la province du Shaanxi, avec ses tombes de haut niveau et les vestiges d’une ville ancienne dont on pense qu’elle fut le lieu de naissance du peuple Zhou. « Les trois sites représentent une avancée révolutionnaire », commente Wang Wei, directeur de la section universitaire histoire de l’académie chinoise des sciences sociales. Les archéologues ont eu l’énorme surprise de découvrir l’an dernier le fossile d’un crâne humain datant d’environ un million d’années, sur le site de Xuetangliangzi à Shiyan, dans la province de l’Hubei. Désigné comme « le crâne n° 3 de l’homme de Yunxian », il a été trouvé le 18 mai 2022, exactement 33 ans après la découverte du « crâne n° 1 de l’homme de Yunxian » dans la vicinité.
« Le crâne n° 3 est le fossile de crâne le mieux préservé de son époque jamais trouvé dans l’intérieur de la région eurasienne », affirme Lu Chengqiu, chef de l’équipe archéologique à Xuetangliangzi. Le site est celui qui a la plus vieille histoire parmi les 10 premiers retenus dans la liste 2022. « Il (le fossile en question) constitue une découverte de classe mondiale car on a rarement trouvé des crânes humains complets en Eurasie… Il nous fournit une matière importante pour l’étude de l’évolution humaine en Asie orientale », considère Chen Xingcan, directeur de l’institut d’archéologie au sein de l’académie chinoise des sciences sociales. L’an dernier, les archéologues ont trouvé un camp humain de fortune, remontant à une époque comprise entre 11 000 et 15 000 ans, sur le site de Zhaojiaxuyao à Zibo, dans la province du Shandong. Y subsistaient des restes de cheminées, des ossements d’animaux et des poteries. « Les découvertes faites sur le site comblent des lacunes dans notre compréhension de la période de transition entre les ères paléolithique et néolithique… Le site nous aide à étudier les origines de l’agriculture et de la poterie dans la Chine du nord », explique M. Chen.
Deux objets en bronze extraits des ruines de Yinxu, dans la province du Henan. XINHUA
Certaines découvertes archéologiques faites l’an dernier ont apporté un éclairage sur la façon dont les divers groupes ethniques communiquaient les uns avec les autres dans l’antiquité. En témoigne le complexe funéraire de Dasongshan dans la nouvelle zone de Gui’an, dans la province du Guizhou, qui s’est étendu sur plus de 1 400 ans – depuis la dynastie occidentale Jin (265-316) jusqu’à la dynastie Ming (1368-1644). « Les objets funéraires mis au jour comprennent des miroirs en porcelaine et en bronze présentant des caractéristiques de la Plaine centrale, ainsi que des reliques culturelles dans des styles appartenant à d’autres groupes ethniques », note Huo Wei, un professeur de l’université du Sichuan à Chengdu. Les ruines du port de Shuomen à Wenzhou, dans la province du Zhejiang, en sont un exemple typique. Les archéologues ont trouvé des vestiges architecturaux, des épaves et une grande quantité d’objets de poterie et de porcelaine sur le site qui fut un port prospère sous les dynasties Song (960-1279) et Yuan (1271-1368). Selon M. Huo, « il s’agit de la découverte la plus importante faite dans la région liée à la route de la soie maritime ».