Le présent contenu est édité sous la responsabilité de China Daily et n'engage en aucune façon la rédaction du journal.

Shenzhen se met au diapason de ses ambitions culturelles

Par WANG XU

Un agent de sécurité au clavier d’un piano placé sous les escaliers mécaniques du Huaqiangbei à Shenzhen, dans la province du Guangdong. YI YANG / FOR CHINA DAILY

Un agent de sécurité au clavier d’un piano placé sous les escaliers mécaniques du Huaqiangbei à Shenzhen, dans la province du Guangdong. YI YANG / FOR CHINA DAILY

Succès d’une initiative municipale : le piano de rue attire des interprètes de tous les horizons.

Yi Qunlin n’avait nullement l’allure d’un musicien alors qu’il martelait les touches d’un piano à queue en mai dernier dans la nouvelle salle de concert de Shenzhen, cité de la province du Guangdong. L’homme âgé de 57 ans avait délaissé le traditionnel habit de soirée pour un concert ; à la place, il avait revêtu un gilet de sécurité réfléchissant et un casque. Malgré son apparence non conformiste, il donna une interprétation magistrale et depuis, il fait sensation sur l’internet. Premier interprète à se produire dans la nouvelle salle de concert du centre culturel et artistique du district de Guangming, à Shenzhen, M. Yi n’aurait jamais pu imaginer qu’un jour il jouerait du piano sur la scène d’une enceinte à la construction de laquelle il avait participé en tant qu’ouvrier du bâtiment. « Jouer du piano dans une salle de concert, c’est comme un rêve d’adolescent devenu réalité », dit-il.

Le déclic de cette réalité est survenu au moment où des pianos ont été placés à l’intention du public près des bouches de métro dans le périmètre du Huaqiangbei de Shenzhen, l’un des plus grands marchés d’électronique au monde. Les instruments ont été positionnés en divers points d’une rue longue de plus de 900 mètres. En avril dernier, les images vidéo du pianiste Yi Qunlin jouant au Huaqiangbei, coiffé d’un casque et arborant un gilet réfléchissant, se sont répandues en ligne comme une traînée de poudre. Né dans un village perdu du comté de Huarong, dans la province du Hunan, M. Yi n’avait pas souvent l’occasion de jouer d’un instrument quand il était jeune. Et pourtant, interprète autodidacte, il saisit avec enthousiasme toutes les chances d’apprendre et de pratiquer, fasciné comme il l’était par la composition musicale.

Un piano en service dans une rue du Huaqiangbei. YI YANG / FOR CHINA DAILY

Un piano en service dans une rue du Huaqiangbei. YI YANG / FOR CHINA DAILY

À 6 ans, âge où la plupart des interprètes ont déjà commencé à étudier le piano dans des écoles de musique, le jeune Yi Qunlin apprit à jouer de l’instrument à cordes traditionnel appelé erhu auprès de locataires dans la maison familiale. Ce n’est que bien plus tard qu’il se trouva pour la première fois en présence d’un piano chez son cousin à Huarong. « Ma famille était trop pauvre pour m’acheter un piano, alors je rendais souvent visite à mon cousin ; pour la simple chance de m’asseoir au clavier, je faisais le trajet de 20 kilomètres sur des routes cahoteuses, ce qui me prenait environ une heure », se souvient M. Yi. Arrivé à Shenzhen à l’âge de 19 ans, il travailla dans des usines, sur des chantiers de BTP et dans des cuisines de restaurants tout en apprenant par lui-même à pratiquer des instruments divers, notamment l’harmonica, la flûte et le saxophone, pendant son temps libre. Mais il est resté près de 30 ans éloigné d’un piano. Les pianos publics du Huaqiangbei lui ont offert un nouveau départ.

Par une chaude journée d’été, pendant une pause près du chantier où il travaillait, M. Yi accompagné de son fils passa devant l’un des instruments. Poussé par son fils, il décida de faire un essai. M. Yi n’est pas le seul à avoir profité des pianos du Huaqiangbei. S’inspirant de l’artiste britannique Luke Jerram, qui a placé plus de 2 000 pianos de rue dans plus de 70 villes du monde entier depuis 2008 avec, inscrits sur le côté des instruments, les mots « Play Me, I Am Yours » (« Jouez, je suis à vous »), c’est en 2018 que la municipalité a lancé le projet de pianos publics au Huaqiangbei. Zhang Chen, directeur adjoint du bureau du sous-district de l’Huaqiangbei, évoque l’attention portée à un lieu « situé dans le district commercial du centre de Shenzhen. Nous nous efforçons de fournir des installations diverses susceptibles de faire venir des services culturels de haute qualité. Nous sommes surpris de voir que le projet de pianos publics attire autant de gens venus pour en jouer, et d’autres venus les voir et les écouter ».

Huit pianos publics ont été placés dans le Huaqiangbei ; outre les étudiants, les gens qui en jouent au retour du travail sur le chemin de la maison représentent un large éventail de métiers. Certains en profitent parce qu’ils n’ont pas de piano chez eux, d’autres ont le sentiment de pouvoir se produire en dehors de toute contrainte. Quand Lu Xuefeng, une femme au foyer quinquagénaire, a découvert les pianos publics, elle s’est rendue sur place tous les soirs pour en jouer. Puis elle a décidé de lancer un groupe sur WeChat (une application de réseau social), « Soirée de piano romantique au Huaqiangbei », qui compte aujourd’hui environ 350 membres. Le groupe fonctionne comme une communauté où les amateurs de pianos d’horizons différents se rassemblent pour organiser des rencontres et autres manifestations. Mme Lu explique que « jouer du piano dans la rue me rappelle des souvenirs de ma jeunesse ». Elle ajoute que c’est aussi pour les personnes âgées l’occasion de tisser des liens avec les jeunes générations et de participer à la dynamique vie urbaine de Shenzhen.

Article réalisé avec la collaboration de Ye Ziyu, Liu Yangjiadi, Yan Xinyi et Wu Baorong.