Le printemps de l’opéra Kunqu
Par CHEN NAN
Les représentations d’opéra Kunqu sont souvent données dans les jardins typiques de Suzhou, dans la province du Jiangsu, pour faire vivre au public une expérience immersive. SUN JIAN / FOR CHINA DAILY
Un public plus jeune et une présence sur la scène internationale remettent ce style opératique au goût du jour.
En 2001, quand l’opéra Kunqu a été classé parmi les chefs d’œuvre de l’art oral au sein du patrimoine culturel immatériel de l’humanité, Yang Fengyi, directrice artistique et cheffe du « Northern Kunqu Opera Theatre », s’est rendue avec sa troupe au siège de l’UNESCO à Paris pour participer à cet événement historique. La troupe et sa cheffe offrirent une démonstration de cet art ancien dans le cadre d’une brève représentation. Après le spectacle, une des actrices reçut un mot de la part d’un membre du public vantant sa beauté sur scène et celle de l’opéra Kunqu. « Ce fut un geste très significatif », dit Mme Yang. « Malgré la barrière de la langue et les différences culturelles, le public a apprécié cette forme artistique. La façon dont elle a été reçue nous a montré que les publics contemporains pouvaient y être sensibles, même s’il s’agit d’un style vieux d’environ 600 ans ».
En 2008, l’UNESCO a inscrit l’opéra Kunqu sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité.
L’une des plus anciennes formes opératiques traditionnelles encore représentées en Chine, le Kunqu a pris naissance dans la région de Kunshan, là où se situe aujourd’hui la ville de Suzhou, dans la province du Jiangsu. Il se caractérise par la virtuosité de ses schémas rythmiques et son influence a été prépondérante sur toutes les formes plus récentes d’opéra chinois, comme celui de Pékin. Conjuguant des chants interprétés en dialecte de Suzhou, la grâce des mouvements corporels, les arts martiaux et la danse, l’opéra Kunqu fait appel à une variété apparemment infinie de gestes exprimant des émotions précises. Comme beaucoup de formes artistiques chinoises traditionnelles, le Kunqu a subi la concurrence de la culture de masse et souffert d’un manque d’intérêt de la part des jeunes, mais le fait d’être reconnu par l’UNESCO l’a placé sous les projecteurs internationaux au moment où il commençait aussi à connaître un renouveau national.
Les représentations d’opéra Kunqu sont souvent données dans les jardins typiques de Suzhou, dans la province du Jiangsu, pour faire vivre au public une expérience immersive. SUN JIAN / FOR CHINA DAILY
« De toutes les riches et diverses traditions de l’opéra chinois, le Kunqu est l’une des plus belles et des plus connues des publics chinois », dit Fu Jin, un professeur de l’académie nationale des arts dramatiques de Chine à Pékin. « Il intègre de nombreux aspects de la culture traditionnelle chinoise tels que la philosophie, la religion, les valeurs sociales et le mode de vie ». L’une des œuvres les plus connues et les plus jouées, le Pavillon aux pivoines, a été écrite sous la dynastie Ming (1368-1644) par le dramaturge Tang Xianzu, souvent comparé à William Shakespeare. Ce qui enthousiasme M. Fu, c’est le fait que l’opéra Kunqu attire un public de plus en plus jeune qui voit dans cette forme artistique une profondeur, une élégance et une expression sophistiquée.
Une version jeunesse du Pavillon aux pivoines, fruit d’une collaboration entre le théâtre d’opéra Kunqu de Suzhou et l’auteur sino-américain Kenneth Hsien-yung Pai, est considérée comme un autre facteur majeur ayant contribué au renouveau du Kunqu. La première de cette production en 2003 a été très remarquée, puisqu’elle a été donnée plus de 400 fois dans la Chine continentale, à Hong Kong et Macao, ainsi que dans divers pays tels que la Grèce, le Royaume-Uni et les États-Unis, pour être vue par 800 000 personnes à l’échelle mondiale. Les artistes dans cette version jeunesse avaient tous un peu plus de 20 ans, et 70% du public était constitué de jeunes. « C’était un signe très prometteur et j’étais très heureux », avoue M. Pai, âgé de 85 ans.
La troupe d’opéra Kunqu de Shanghai interprétant le Pavillon aux pivoines dans son intégralité - 55 actes pour 8 heures de spectacle au total - à Pékin en mars. PROVIDED TO CHINA DAILY
Une récente production du Pavillon aux pivoines par la troupe d’opéra Kunqu de Shanghai, avec 55 actes et 8 heures de spectacle, a fait les gros titres. Pour la représentation donnée à l’opéra national de Chine à Pékin du 8 au 10 mars, les billets se sont arrachés en quelques jours. C’était la première fois que l’illustre compagnie de Shanghai présentait le Pavillon aux pivoines dans son intégralité. Hu Weilu, une actrice d’une jeune trentaine d’années, y joue le rôle principal. « Quand j’ai commencé ma formation comme interprète d’opéra Kunqu en 1999, peu de représentations étaient données et peu garni était le public », se souvient-elle. « Je jouais à tout moment que je pouvais, rémunérée ou non, dans l’espoir qu’un jour, je ferais l’expérience réelle de la scène. Aujourd’hui, nous avons beaucoup d’admirateurs. Certains sont follement enthousiastes, se font prendre en photo avec nous et suivent nos tournées dans le pays ».