Le présent contenu est édité sous la responsabilité de China Daily et n'engage en aucune façon la rédaction du journal.

Le tissu de la culture chinoise

Par XU HAOYU

Une héritière de l’artisanat hangluo démontrant devant des élèves cette technique de tissage. PROVIDED TO CHINA DAILY

Une héritière de l’artisanat hangluo démontrant devant des élèves cette technique de tissage. PROVIDED TO CHINA DAILY

La soie est depuis toujours entrelacée avec l’histoire du pays, une tradition illustrée par la gaze de hangluo.

« Le soleil, le soleil, tel une navette de tissage dorée, la lune, la lune, telle une navette argentée. Elles vous sont offertes, à vous et à moi, pour voir qui, de vous ou de moi, tisse la plus belle vie ». Ainsi se fredonne une chanson du siècle dernier intitulée « Les navettes d’or et d’argent ». Il était habituel à l’époque, alors que c’est relativement rare aujourd’hui, d’évoquer la navette du métier à tisser pour décrire métaphoriquement le passage du temps ; et fruit du travail de mains agiles dans de nombreux petits ateliers, les ressources dispensées par la nature étaient transformées en objets aussi jolis qu’utiles dans la vie de tous les jours.

La production de la soie passe par la culture de mûriers et l’élevage de vers à soie, avec les soins qu’ils exigent ; sont ainsi produits des cocons dont sont déroulés des filaments de soie. C’est l’une des choses qui, même aujourd’hui, restent résolument archaïques – continuant d’exister au-delà d’une époque où la patience n’était pas une ressource rare. Cela fait plus de 5 000 ans que l’on tisse la soie, dénommée si en Chine, pour en faire une étoffe. Jadis, au passage du printemps à l’été, le Grand Canal, une vaste voie navigable reliant Pékin à Hangzhou dans ce qui est aujourd’hui la province du Zhejiang, offrait le spectacle d’une activité grouillante. D’innombrables bateaux empruntaient cette voie d’eau pour le transport de magnifiques tissus. Cette précieuse marchandise prenait deux mois pour gagner la capitale et y servir à la fabrication de vêtements légers qu’affectionnaient les dignitaires et la noblesse.


La soie a également joué un rôle important dans les rapports de la Chine avec le reste du monde. La Route de la soie, un réseau de voies commerciales entre l’Est et l’Ouest créé pendant la dynastie Han (206 avant notre ère-220 de notre ère), a facilité l’échange de marchandises, d’idées et de pratiques culturelles. La soie chinoise, l’une des principales marchandises échangées, a circulé jusqu’à Rome, devenant un symbole de richesse et de prestige dans de nombreuses cultures le long du chemin.

« La soie, représentant un fondement historique et un agrégat culturel particulièrement profonds, est un symbole important de la civilisation chinoise. C’est un vecteur important de la culture chinoise depuis les temps anciens et qui le reste aujourd’hui », dit Wang Hairong, directrice de la China Silk Dijin Limited Company, une filiale de la China Silk Corporation. Dans la culture de la soie cinq fois millénaire en Chine, des tissus tels que les ling, luo, chou et autres duan représentent l’évolution des techniques de production textile d’une période à une autre. À partir de vers à soie et après raffinage dans des métiers, les différentes méthodes de tissage aboutissent à des variations dans la forme et au toucher. La technique de tissage luo est à part, compte tenu en particulier du niveau artisanal qu’elle exige. Caractérisées par leurs motifs ajourés, les étoffes de luo permettent au corps de mieux respirer. La technique est née à un moment de la Période des Printemps et Automnes (770-476 avant notre ère) ou de celle des Royaumes combattants (475-221 avant notre ère) et elle est devenue très pratiquée pendant la dynastie Song (960-1279), principalement en raison de la tenue vestimentaire requise pour les cérémonies officielles, mais aussi des impressionnants textiles de soie à armure toile produits à Hangzhou, que l’on appelle hangluo, ou gaze de Hangzhou.

Des amoureux d’habits traditionnels chinois lors d’un festival du costume organisé par le musée national chinois de la soie à Hangzhou, dans la province du Zhejiang. PROVIDED TO CHINA DAILY

Des amoureux d’habits traditionnels chinois lors d’un festival du costume organisé par le musée national chinois de la soie à Hangzhou, dans la province du Zhejiang. PROVIDED TO CHINA DAILY

La valeur attachée au hangluo provient de deux facteurs. Le premier, c’est le caractère exceptionnel de sa matière brute ; la douceur du climat dans la région en fait un lieu idéal pour la culture du mûrier. Le second tient à la technique incroyablement délicate employée. La soie de mûrier doit passer par une série d’étapes avant d’être tissée sur la machine, à savoir le trempage, le bobinage, le tramage des lisses et du peigne, le graissage et l’agitation de la chaîne. Le tissu à l’état brut est ensuite soumis à une procédure de réglage et de teinture pour devenir le délicat hangluo que l’on connaît. Avec le temps, le métier utilisé pour le produire a connu plusieurs transformations, et pourtant, le processus requiert encore une forte dose de minutieux artisanat manuel. À une époque de production mécanique, hériter d’un artisanat traditionnel n’est pas chose facile, commente Zhang Chunqing, 44 ans, directeur de la Hangluo Conservation Organization.

Avant de tisser le hangluo sur le métier, une période de près d’un mois est nécessaire pour organiser les fils de la chaîne et de la trame. « Conformément aux pratiques sous la dynastie Song, la soie est trempée dans de l’eau claire à laquelle est ajoutée une formule ancestrale secrète. Il faut compter entre 25 et 28 jours pour que la soie soit prête, et c’est seulement à ce moment que l’on peut tisser la toile pour obtenir une gaze légère, fraîche et confortable », explique M. Zhang. Du fait de la complexité de la procédure, la technique de tissage hangluo a failli se perdre. Cependant, des héritiers tels que M. Zhang s’efforcent de la maintenir en vie. Depuis qu’elle a été inscrite au patrimoine culturel immatériel de l’humanité par l’UNESCO en 2009, M. Zhang se consacre à la protection et à la transmission de ce trésor culturel. Il se tourne vers la jeunesse : « Nous avons spécialement fabriqué un métier à tisser qui permet d’introduire le hangluo dans les écoles. Les enfants font l’expérience d’une initiation pratique au tissage hangluo. Cette approche renforce sensiblement leur compréhension de la technique d’une manière plus intuitive ».