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Les arches dorées réinventées

Par XU FAN

Les arches dorées réinventées

Le pont Beijian est l’un des 32 ponts anciens du comté de Taishun, dans la province du Zhejiang. Grâce aux efforts conjoints des autorités et des artisans locaux, les sites historiques demeurent bien préservés. LIN ZONGYI / FOR CHINA DAILY

Les corniches recourbées verticalement, les toits de tuile gris et les façades en bois : voilà ce qui confère leur apparence caractéristique aux anciens ponts couverts de Taishun, un comté montagneux niché dans la province du Zhejiang.

Si, par temps clair, un randonneur fixe de loin son regard sur l’un d’eux, on peut aisément imaginer que sous le ciel bleu et les nuages blancs, un arc en ciel chevauche le cours d’eau franchi par le pont. C’est un spectacle d’une beauté à couper le souffle. Salué comme « le lieu de naissance des ponts couverts de la Chine », le petit comté accueille 32 ponts anciens construits pendant les dynasties Song, Ming et Qing (960-1911). Quinze d’entre eux sont inscrits sur la liste des principaux sites historiques et culturels protégés au niveau national, soit le plus grand nombre de la sorte dans le pays. Selon l’administration nationale du patrimoine culturel, la Chine a répertorié à ce jour 1 355 ponts couverts érigés dans l’ancien temps, et 138 d’entre eux, situés dans 13 provinces et régions différentes, sont classés en tant que reliques placées sous protection nationale.

En 2009, l’UNESCO a inscrit la conception et les méthodes de construction des ponts à arches en bois de la Chine sur la liste du patrimoine culturel immatériel nécessitant une sauvegarde urgente.

Le pont Santiao dans le comté de Taishun.

Le pont Santiao dans le comté de Taishun. FANG JUNCONG / FOR CHINA DAILY

Principalement localisés dans les provinces du Zhejiang et du Fujian, qui ont conjointement demandé à être incluses dans la liste de l’UNESCO, les ponts couverts ne permettent pas seulement de s’abriter du soleil et de la pluie, ils rappellent aussi le souvenir nostalgique d’un passé chaleureux et animé. « La topographie du Taishun est faite de hautes montagnes et de rivières sinueuses. Avant la création de routes, il fallait souvent plusieurs heures pour aller d’un village à un autre en raison des cours d’eau et des montagnes à franchir. Aussi les ponts couverts ont-ils joué un rôle vital dans le réseau de transport rural, devenant en quelque sorte des relais pour les villageois », indique Lan Lina, directrice adjointe du bureau du comté chargé de la culture, de la radio, de la télévision, du tourisme et des sports. Ayant grandi dans le Taishun, Mme Lan se souvient de la fois où son père l’avait autorisée à monter sur ses épaules alors que, chargé d’un sac plein de cadeaux, il traversait un pont couvert pour aller avec sa fille rendre visite à la grand-mère de l’enfant. Pour Mme Lan, il s’agit là de bien plus que de précieux souvenirs. Dans leur quasi totalité, les ponts offrent des sanctuaires permettant aux passants de se recueillir à leur aise et de prier pour leur sécurité et leur bonne fortune. Lors de journées spéciales, notamment les jours de fête, les ponts deviennent des marchés de produits agricoles et d’articles de tous les jours, accueillant parfois des théâtres de marionnettes pour distraire les enfants.

Le pont Wenzhong dans le Taishun.

Le pont Wenzhong dans le Taishun. ZHUANG TONG / FOR CHINA DAILY

Pour des raisons de sécurité, il est interdit d’y faire brûler de l’encens. Les ponts bénéficient d’une meilleure préservation grâce à la technologie moderne et contribuent de manière plus significative à la promotion de la culture et de l’artisanat traditionnels. Fin octobre dernier, on a annoncé le lancement, dans le Taishun, du plan d’action triennal pour la protection des ponts couverts (2023-25) rendu public en mai. L’objet du plan est de créer un système de préservation global des ponts couverts ; il énonce 10 missions majeures, notamment une expertise des ouvrages, la collecte de données les concernant et la mise en place de mécanismes d’évaluation des risques. Une plateforme dotée de capacités numériques a été mise en œuvre dans le Taishun pour surveiller les facteurs de risques tels que les précipitations, le niveau des cours d’eau, l’apparition de températures anormales ou de fumée au niveau des ponts. Outre qu’elle permet une réaction rapide en cas d’urgence, la plateforme contribue à la prévention et à la réduction de dégâts potentiels. Appliquées à des reliques séculaires désormais correctement préservées, les compétences et l’expertise traditionnelles nécessaires à la construction et à la conception de ponts couverts suscitent l’intérêt d’une nouvelle génération de charpentiers. Au cours des deux dernières décennies, six équipes d’une centaine d’artisans ont été constituées dans tout le pays, où l’on a construit 46 nouveaux ponts couverts.

Le pont Wenxing

Le pont Wenxing, niché au milieu de carrés de rizières, présente des corniches recourbées verticalement et des toits de tuile gris, caractéristiques des ponts anciens du Taishun. FANG JUNCONG / FOR CHINA DAILY

Zeng Jiakuai, un héritier au niveau provincial des techniques d’assemblage des poutrelles, est à la tête d’une de ces équipes. Il s’agit d’une méthode traditionnelle consistant à entrelacer et fixer des rangées multiples de poutrelles en bois pour créer une structure unique, robuste et stable. Né dans une famille de charpentiers du Taishun, M. Zeng a commencé son apprentissage en matière de constructions en bois à l’âge de 18 ans, et son étude des techniques de fabrication de ponts à arches quand il avait 29 ans. Déterminé et assidu, il s’est aventuré dans les montagnes pour y examiner les ponts historiques, enregistrer les données concernant leur hauteur, leur travée et la taille de leurs différents éléments. Ses recherches et sa préparation méticuleuses, comprenant la fabrication de modèles et la réalisation de tests de pression, ont fait de M. Zeng un véritable constructeur de pont autodidacte. Des 20 ponts couverts qu’il a érigés, il dit qu’ils font désormais partie des coutumes et de la culture rurales. Selon lui, les gens des provinces rurales du Zhejiang et du Fujian qui ont quitté leur ville natale pour travailler ailleurs trouvent un réconfort dans les ponts couverts, propre à atténuer leur mal du pays.