dans le Yunnan, le 16 juin. WEI XIAOHAO / CHINA DAILY
Zhang Yufu, un chauffeur routier de 37 ans dans la province du Yunnan, a reçu de l’entreprise qui l’emploie un ordre de mission spécial : suivre un troupeau de 14 éléphants asiatiques. Il devait aussi bloquer une route du comté de Yuanjiang, à Yuxi, pour guider les animaux vers leurs habitats traditionnels dans le sud, à Pu’er et dans la préfecture autonome dai de Xishuangbanna, dans la province du Yunnan. Le troupeau, qui était parti de la réserve naturelle nationale de Xishuangbanna en mars de l’année dernière, a commencé à se déplacer vers le nord en avril, attirant l’attention de millions de gens dans le monde entier. Les autorités locales ont pris diverses mesures visant à guider les animaux dans leur migration. Membre d’une équipe de « guides mobiles » spécialement affectée à l’orientation des éléphants, M. Zhang a passé des journées au volant sur des routes de montagne cahoteuses, mangeant et dormant dans son camion. « Nous devions être de service 24 heures sur 24 », dit-il après s’être vu confier le travail le 3 août.
Comme nombre de chauffeurs locaux ayant rejoint la mission, il n’avait pas précédemment rencontré d’éléphants. Quand le troupeau est passé à côté de son camion, il a retenu son souffle. « Tout le monde est resté silencieux, nous et les éléphants ». Vers 20 h le 8 août, M. Zhang et une centaine d’autres chauffeurs attendaient le passage des éléphants sur le pont Yuanjiang enjambant la rivière du même nom. « Tout le monde s’est réjoui de voir les éléphants franchir le pont. J’étais fier de faire partie de l’équipe », confie-t-il. Selon les experts, le travail de l’équipe a constitué une avancée majeure dans les efforts déployés pour guider les animaux sur le chemin du retour vers leurs habitats, ajoutant qu’un moment décisif est intervenu lorsque le troupeau a franchi le pont, car c’était le signe que les éléphants étaient sur le point de mettre fin à leur marche vers le nord et de rentrer chez eux. Chen Mingyong, professeur à la faculté d’écologie et de sciences environnementales de l’université du Yunnan, explique que « les habitats où évoluent les éléphants asiatiques sont de quatre ordres : très adéquats, adéquats, passables et inadéquats. La forêt tropicale humide et la forêt d’arbres à grandes feuilles persistantes de Xishuangbanna sont les habitats les plus adaptés à l’espèce. Plus les éléphants se déplacent vers le nord, plus la température baisse. Il y a aussi moins de nourriture et l’environnement leur convient moins ».
La rivière Yuanjiang sépare l’habitat adéquat de l’habitat passable ; les différences de la végétation sont d’ailleurs nettes entre ses rives sud et nord. Le fait que le troupeau a franchi la rivière indique qu’il se dirigeait vers un habitat plus convenable, ce qui contribuait également à une plus grande stabilité et une meilleure sécurité pour les animaux, précise M. Chen. Si le climat et la volonté parmi les éléphants de trouver le chemin du retour ont été des facteurs clés, les efforts déployés par les scientifiques et les ouvriers ont aussi joué un rôle majeur. La rivière Yuanjiang constituait une barrière naturelle. Yang Yingyong est le commandant exécutif adjoint du bureau central des mesures de sécurité préventive et d’urgence de Yuxi, chargé du problème des éléphants errants ; il rapporte que le courant de la rivière s’est grossi pour passer de 73 mètres cube d’eau par seconde en moyenne à la mi-mai lorsque le troupeau l’a traversée, à 120 mètres cube par seconde en août ; il était donc impossible que les éléphants retraversent la rivière à gué. Pour éviter le danger ou des blessures, le bureau central a décidé de faire passer les éléphants par le pont Yuanjiang près de la route nationale 213. Plusieurs jours avant l’arrivée du troupeau dans le comté de Yuanjiang, fin juillet, les experts ont parcouru 76 kilomètres à pied sur la rive de la rivière pour déterminer l’endroit idéal pour faire tarverser les animaux. Les autorités du comté ont dépêché 2 844 véhicules et 6 673 ouvriers pour dégager les routes et faciliter le passage des éléphants en toute sécurité. M. Yang précise qu’on les a attirés loin des zones peuplées à l’aide de nourriture et que de l’eau en grande quantité a été déversée sur la chaussée pour en refroidir la surface.
L’éléphant asiatique, inscrit sur la Liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature concernant les espèces menacées, est placé sous protection maximale en Chine. Li Jiangping, un travailleur forestier de 46 ans à Mili, un village du Yuanjiang, donné à manger aux éléphants après leur franchissement du pont. « J’ai chargé du blé et des bananes dans un camion puis fait la route jusqu’à un endroit précis », raconte-t-il. « Là, j’ai placé la nourriture à 1 ou 2 km du troupeau et j’ai attendu que les animaux mangent ». M. Li n’a pu trouver le sommeil qu’à minuit quand le troupeau a cessé de bouger. La plupart du temps, il avait simplement sommeillé dans le camion. « Au début, je n’étais pas rassuré en plaçant la nourriture, mais tout le monde a fait un bon boulot sous la houlette des experts. Notre plus grand espoir, c’était que les éléphants regagnent leur habitat sans problème ».
Le troupeau s’est mis en route fort de 16 participants, trois d’entre eux ayant abandonné alors que deux petits étaient nés en chemin. Le 16 avril, il avait quittéle comté de Mojiang, Pu’er, pour entrer dans le Yuanjiang. Depuis lors, les animaux ont erré sur environ 1 300 km en plus de 110 jours, traversant Yuxi, la préfecture autonome hani et yi de Honghe, ainsi que Kunming, la capitale du Yunnan. Dans l’intervalle, un autre éléphant mâle s’est détaché du troupeau avant d’être placé sous sédatif et ramené à la réserve naturelle en juillet. Les mouvements du troupeau étaient surveillés par des humains, des drones et des procédés d’imagerie infrarouge thermique 24 heures sur 24 dans le but de mieux connaître les itinéraires des animaux et de les prévoir. Ce travail a permis de prendre à l’avance des mesures diverses telles que le contrôle de la circulation, les procédures d’évacuation, les alertes et le placement de la nourriture pour les éléphants. Ceux-ci ont quitté Yuanjiang dans la nuit du 12 août pour gagner le comté de Mojiang, à Pu’er, qui fait partie de leur habitat traditionnel. Tous les 17 éléphants du troupeau ont regagné leur habitat sans qu’aucune blessure ne soit signalée, ni chez les animaux, ni chez les humains.
Shen Qingzhong, un technicien supérieur de la réserve, affirme que les éléphants peuvent reprendre leur errance. Et d’expliquer : « l’errance est chez les éléphants un comportement normal car il leur permet de trouver de nouveaux habitats et il favorise la communication entre les différents groupes. Les animaux sont hautement intelligents, ils ont une bonne mémoire et savent s’adapter à leur environnement ». M. Shen conseille de s’instruire sur le comportement des éléphants errants à la lumière de l’expérience et d’utiliser les barrières naturelles telles que les rivières ou les montagnes pour contrôler leur périmètre d’activité dans le cadre d’un habitat adéquat.