Âgé de 13 ans, Xie Xixian a soigneusement enlevé le sable de ses sandales avant de le placer dans un sac en plastique et de rédiger une étiquette pour indiquer l’endroit où l’échantillon a été prélevé. Quant à Zhang Chenyun, 9 ans, elle demandait tous les deux jours quand elle pourrait retourner dans la région autonome Zhuang du Guangxi pour retrouver ses « amis animaux ». En juillet, les deux scolaires et 16 autres élèves s’étaient rendus à Qinzhou, dans le sud du Guangxi, pour participer à une colonie de vacances sur la biodiversité. Comme l’a indiqué un chercheur affecté à la Baie de Sanniang, Zhao Yi, les jeunes de la colonie ont accompagné des scientifiques et pris part à la recherche en matière de conservation de la nature. Dans des salles de classe construites près de la plage, les scientifiques étaient leurs professeurs et la vie marine, notamment les dauphins blancs de Chine, faisait fonction de support pédagogique.

Cette espèce, placée par l’État sous protection de première catégorie, a été inscrite en 2008 sur la liste rouge des espèces menacées établie par l’Union internationale pour la conservation de la nature. Elle est depuis longtemps considérée d’une importance égale à celle du panda géant. Les dauphins blancs de Chine existent depuis une dizaine de millions d’années. La Baie de Sanniang constitue de longue date un repaire pour les mammifères marins. Les étudiants ont été attirés par les bébés dauphins, dont la peau change de couleur au fur et à mesure qu’ils grandissent. Les petits sont généralement gris foncé, alors que les dauphins plus âgés sont d’un gris plus clair et que les adultes présentent un blanc cassé. La peau du dauphin rosit à un âge avancé. Le groupe a embarqué sur des bateaux à moteur, près desquels nageait un banc de dauphins blancs entre deux cabrioles. Pointant les dauphins du doigt, les scientifiques indiquaient les petits en les distinguant des adultes. Les élèves ont pris des notes, et les données recueillies auront leur importance dans l’étude des habitudes de vie des créatures observées que mènent les scientifiques. En juin 2004, alors que les dauphins étaient moins de 100 dans la zone de la Baie de Sanniang, l’un d’entre eux fut repéré avec de graves blessures. Pan Wenshi, un professeur et spécialiste de la faune à l’université de Pékin, put déterminer, avec l’aide de pêcheurs locaux, qu’il s’agissait d’une jeune femelle. Le dauphin s’était pris le cou dans une corde de nylon ressemblant à un filet de pêche, dont l’étreinte avait occasionné des entailles et des déchirures dans la peau de l’animal. Celui-ci avait suivi un bateau de pêche pour essayer de manger des poissons dans le filet de l’embarcation.

La fille de M. Pan, Pan Yue, autre scientifique du centre de recherche fondé par son père, commente : « Même avec des blessures aussi graves, la femelle avait une forte volonté de survie. C’est à ce moment-là que mon papa décida de rester pour la protéger, elle et les autres dauphins ». Le centre a été créé dans la Baie de Sanniang en novembre 2004 par Pan Wenshi et son équipe de chercheurs de l’université de Pékin, dans le but de protéger les dauphins blancs de Chine. Les étudiants ont observé les dauphins en suivant le bateau de Lin Qiang et la direction dans laquelle il pointait. M. Lin est un membre de l’équipe de recherche jugé indispensable et connu pour son aptitude à localiser les dauphins. Né dans une famille de pêcheurs qui vit à une centaine de mètres de la mer, il attribue cette aptitude à sa grande expérience de la pêche accumulée au fil des ans. Il ne pêche plus mais il est chargé du transport des chercheurs, de l’aide à l’orientation par GPS, de l’enregistrement des sons émis par les dauphins et de la prise de photos des animaux. Il mesure également la profondeur et la température de l’eau de la mer. Pour M. Zhao, le chercheur déjà mentionné, la vie professionnelle de M. Lin a évolué parallèlement à l’intégration progressive de la conservation de la biodiversité dans la région, à l’image du changement d’attitude de la population locale. Selon lui, les gens ont désormais conscience que la protection des dauphins s’apparente à une sauvegarde pour eux-mêmes comme pour tout être humain.