L’aquaculture à base de riz est une longue tradition qui permet aujourd’hui à des villages chinois d’hameçonner de meilleurs revenus.

Wu Lizhen gagnait sa vie en pêchant au côté de son mari dans le village de Longxian à Lishui, dans la province du Zhejiang. Les villageois dépendaient de leur pêche pour s’assurer un revenu. Mais Mme Wu a vu sa vie prendre résolument le virage du progrès en juin 2005 quand elle a été désignée pour représenter les pêcheurs, hommes et femmes, de la municipalité de Fangshan, dans le comté du Qingtian où se situe le village, dans le cadre d’un séminaire d’experts de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). À la suite de quoi, forte de la formation et du soutien qu’elle commença à recevoir, elle se lança dans un projet de plantation de riz, d’élevage de poissons et de fine restauration visant à attirer les touristes. Quelques années plus tard, ce modèle basé sur la rizipisciculture fournissait à la famille de Mme Wu un revenu substantiel et stable en plus du produit de ses récoltes. « À mon retour de France, j’ai travaillé comme agriculteur pendant 15 ans » : Jin Yuepin est président de la société Zhejiang Fangyuan Ecological Agriculture Development Co Ltd. Il a reçu en 2014 un prix de la FAO récompensant des agriculteurs modèles. En l’occurrence, il était distingué pour avoir contribué à la production d’une alimentation saine et verte à base de poisson et, de ce fait, à l’amélioration des revenus des villageois ainsi qu’à la transmission de l’agriculture traditionnelle.

Depuis ses débuts comme gérant d’un restaurant à l’étranger jusqu’au spécialiste agricole qu’il est devenu, M. Jin s’est consacré au bien-être des villageois et à leur engagement sur la voie de la prospérité. Pionnier de l’aquaculture dans les rizières du comté, il affirme que les villageois du versant de la montagne dans sa commune labourent et désherbent les rizières avec le même souci du détail qu’un sculpteur de jade : « la rizipisciculture dans le Qingtian est une méthode type de production agricole écologique ». Le système de rizipisciculture nourrit la population locale depuis plus de 1 300 ans, explique M. Jin. L’élevage du poisson dans les rizières permet de libérer de l’espace et d’économiser de la main d’œuvre, de telle sorte que les agriculteurs sont en mesure de produire plus de récoltes et de poissons tandis que le riz fournit de l’ombre et de l’appât pour les poissons. Songshuxia, son village natal dans le Fangshan, s’étend sur 3,86 kilomètres carrés et compte une population recensée de plus de 1 725 habitants, dont 370 vivent dans le village. Près de 90% sont des personnes âgées. En 2016, M. Jin a lancé un projet de rizipisciculture, dans le cadre duquel plus d’une centaine d’habitants, surtout des personnes âgées, sont formés et bénéficient d’un appui technique. Les larves de poissons sont fournies. Les villageois sont chargés de l’élevage. M. Jin achète les poissons frais et d’autres produits agricoles pour les revendre sur un marché extérieur. « Ici, aucun usage d’engrais chimique ou de pesticide n’est autorisé », dit-il, en ajoutant que le riz du Qingtian est un bon aliment pour le poisson et qu’à son tour, le poisson fertilise le sol pour le riz dont le goût et la consistance sont ainsi accentués.

M. Jin a conçu l’emballage et le logo des produits de la pêche, déposé la demande d’homologation et inventé un sac sous vide portable rendant les poissons effectivement capables de rester vivants plus d’une centaine d’heures après leur prise. Les poissons frais sont placés dans des sacs remplis d’eau et transportés à l’aéroport de Shanghai dans un camion équipé d’une pompe à oxygène, puis exportés en Espagne et en Italie. En 2005, le système aquacole du Qingtian a été désigné par la FAO comme l’un des premiers groupes d’expériences pilotes de protection du « patrimoine agricole d’importance mondiale ». « La protection du patrimoine agricole repose sur les agriculteurs locaux, aussi est-il nécessaire de leur donner la confiance et la conscience inhérentes à leur rôle de telle sorte qu’ils aient la volonté de protéger la culture » dont ils sont dépositaires, analyse Min Qingwen, un chercheur de l’institut des sciences géographiques et de la recherche sur les ressources naturelles, à l’académie des sciences de Chine. « Ils peuvent être soutenus par des mesures, une assistance technologique et le développement de marchés pour ainsi bénéficier véritablement de l’agriculture ». Maria Helena Semedo, directrice générale adjointe de la FAO, estime que « le patrimoine agricole d’importance mondiale a démontré son énorme potentiel en matière de modèles agricoles durables, au travers des systèmes d’agriculture écologique. La mise à profit des caractéristiques d’origine des systèmes agricoles est de nature à revitaliser les régions rurales et à promouvoir le développement des campagnes ».