Un site touristique dévasté par un tremblement de terre retrouve sa splendeur passée.
Entre la fin mai et le début juin, Luo Pingzhao, âgé de 36 ans, se rend souvent dans le pittoresque parc national de Jiuzhaigou, dans la province du Sichuan, pour y contempler les oiseaux à l’aide de ses jumelles. C’est la meilleure saison pour observer les espèces migratoires et les permanentes. La région compte 27 espèces aviaires placées sous protection nationale de première et deuxième classes en Chine. Les archives témoignent que c’est probablement le seul endroit du pays où l’on peut voir le merle à tête rousse, un oiseau migratoire menacé d’extinction, doté d’un chant emblématique et d’une grande vivacité. À l’instar de M. Luo, nombreux sont les ornithologues passionnés à considérer Jiuzhaigou, qui veut dire littéralement la vallée aux neuf villages, comme une destination à ne pas manquer pour observer les espèces d’oiseaux spécifiques à la Chine.
En 1992, la région d’intérêt panoramique et historique de la vallée de Jiuzhaigou a été ajoutée à la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO en vertu du critère relatif à des sites présentant « une beauté naturelle et une esthétique particulièrement exceptionnelle ». Elle est réputée pour ses panoramas et sa beauté majestueuse, composés d’innombrables lacs d’eau limpide et riche en minéraux, de chutes d’eau et de formations karstiques sertis dans des montagnes alpines dentelées. Le tourisme est devenu un pilier de l’activité économique de la vallée et profite grandement aux villageois locaux. « Le développement de la région est continuellement basé sur la protection » (du milieu : NDLR), souligne Du Jie, directeur adjoint de l’administration de la zone panoramique de Jiuzhaigou. En 2001, l’administration a adopté une réglementation obligeant les touristes qui passent la nuit sur place à rester en dehors de la zone panoramique, tandis que les logements chez l’habitant et les restaurants qui avaient ouvert lors des premiers jours étaient désormais fermés.
Le 8 août 2017, un tremblement de terre de magnitude 7 secoua la région et laissa une partie importante du paysage de Jiuzhaigou couverte de cicatrices causées par des glissements de terrain, des chutes de pierres et des flots de débris. Le parc a été fermé pendant deux ans, au terme desquels on annonça que 85% de sa surface seraient de nouveau accessibles aux touristes. L’an dernier, il a été intégralement ouvert aux visiteurs après qu’une grande portion de sa fragile beauté fut restituée. « Au regard, le paysage exceptionnel de Jiuzhaigou a quasiment retrouvé sa splendeur passée – à peu près la même qu’avant le tremblement de terre », affirme M. Du. Trois mois après le séisme, l’administration avait publié un plan de restauration détaillé du paysage, de l’habitat de la faune et de la couverture végétale, avec pour objectif de faire reposer le rétablissement principalement sur la capacité auto-réparatrice de la nature accompagnée d’une intervention manuelle quand nécessaire. « Le mode de rétablissement que nous explorons pose un énorme défi, et nous nous efforçons de valoriser la particularité de Jiuzhaigou au fur et à mesure que la restauration s’opère », commente l’administrateur. Le parc doit respecter les conventions de l’UNESCO concernant la protection du site afin de conserver son statut exceptionnel ; il en va de même pour ce qui est des lois et des règlements chinois sur la gestion écologique. « Nous entreprenons une intervention manuelle appropriée si un risque potentiel menace la sécurité d’êtres humains ou affecte l’intégrité du parc », précise M. Du. Les bords retenant les eaux du Sparkling Lake (le lac étincelant) se sont affaissés après le séisme et ont formé autour du lac une brèche de 40 mètres de long, 12 mètres de large et 15 mètres de profondeur. Le site est entouré de 24 cascades et lacs.
« Les chutes d’eau et les lacs ressemblent à un collier et si une perle manque, c’est tout le collier qui risque de se briser. Le Sparkling Lake aurait pu subir une réaction en chaîne et causer l’effondrement d’autres lacs, ce qui aurait posé un grave danger aux gens ainsi qu’à la faune et la flore situés plus bas », fait-il remarquer. Une année fut consacrée à la recherche et à l’élaboration d’un plan pour restaurer l’écosystème à l’aide de matériaux verts, en accord avec l’UNESCO.
Tang Ya, un professeur du collège d’architecture et de l’environnement à l’université du Sichuan, mène avec d’autres personnes des recherches en profondeur sur le développement durable de Jiuzhaigou depuis 2006.
La cascade de Nuorilang, l’une des chutes d’eau les plus larges de Chine, s’est écroulée après le tremblement de terre. Une crevasse de 19,4 mètres de long s’est formée et selon M. Tang, sans intervention, l’érosion se serait aggravée, menaçant la sécurité des lacs et des chutes à proximité. Le paysage peu commun de Jiuzhaigou résulte des dépôts massifs de tuf (une roche poreuse) et l’administration a comblé la crevasse avec du tuf récupéré après le séisme pour restaurer avec succès le décor de Nuorilang.
Dans le cadre des préparations contre les catastrophes naturelles, elle a aussi mis en place un système de surveillance des dangers géologiques, construit des abris et érigé des structures architecturales capables de résister à des séismes de magnitude 8.
Article réalisé avec la participation de Huang Zhiling.