Des agriculteurs et des villageois ont trouvé une nouvelle façon de gagner leur vie en cultivant leur créativité.
Au second étage de la Zitong Art Gallery, Jiang Xiaoqin, âgée de 43 ans, travaille sur son tableau dans un studio qui fait aussi office de salle d’exposition. Elle prend une pincée de jaune sur sa palette et l’applique par petites touches sur sa toile avant de s’arrêter pour vérifier qu’il n’y a pas trop d’épaisseur. De temps à autre, elle fait un pas ou deux en arrière, examine son tableau et décide d’appliquer ou non plus de pâte. Autour d’elle, cinq autres personnes, hommes et femmes, sont devant leur chevalet à l’œuvre sur leurs propres tableaux. Ils ressemblent tout à fait à ces artistes professionnels que l’on rencontrerait dans une école d’art. En fait, ce sont des agriculteurs du village de Dujing, le siège administratif de la municipalité de Zitong, dans le comté de Chun’an de la province du Zhejiang.
Ayant commencé l’apprentissage de la peinture il y a seulement trois ans, Mme Jiang s’est déjà fait un nom. En effet, elle est affectueusement connue comme Sœur Maïs à cause de ses tableaux et de ses créations artistiques ayant pour thème le maïs, surtout après que sa peinture à l’huile intitulée Maïs, comme on pouvait s’y attendre a été vendue aux enchères pour 7 500 yuan (1 050 euros) lors d’une exposition spéciale en 2020 à Shanghai où ont été présentées 61 œuvres réalisées par des agriculteurs de Zitong. « Le maïs est l’aliment type produit localement », dit Mme Jiang. « Je crois qu’il est le plus apte à montrer qui nous sommes vraiment ».
Avant de se lancer dans la peinture en tant que « loisir sérieux », sa vie quotidienne était un peu monotone, faite du travail routinier de la ferme, des travaux ménagers et de l’éducation des enfants. « Aujourd’hui, ma vie a pris des couleurs. Et puis, il n’est pas désagréable du tout de recevoir des honneurs et de gagner plus d’argent ». Mme Jiang fait partie des agriculteurs qui sont plus d’un millier à avoir bénéficié des cours dispensés dans les camps de formation artistique créés par la municipalité de Zitong. Ces cours, à leur tour, sont le fruit d’une campagne de « revitalisation rurale par l’art » déployée à l’échelle de la province du Zhejiang. Depuis 2019, lorsque Dujing devint l’un des premiers villages à y participer, plus de 20 artistes connus y ont été attirés et se sont établis dans la localité, offrant des cours particuliers aux habitants. Dix-neuf universités et écoles, dont l’Académie des arts de Chine, en ont fait leur base pour l’organisation de sorties éducatives consacrées à la peinture et à l’esquisse. Hormis la Zitong Art Gallery, on peut trouver dans la commune deux instituts de calligraphie et de peinture, ainsi qu’une galerie avant-gardiste baptisée Ant Art Gallery. On ne s’étonnera pas que Zitong soit réputée comme « la ville de la calligraphie et de la peinture ».
En outre, 388 maisons et bâtiments désaffectés dans toute la ville ont été rénovés, indique Cheng Wangzhen, un responsable municipal. « L’idée est que les villages qui composent la ville aient chacun leurs caractéristiques artistiques propres. Par exemple, il y a un village ayant pour thème la photographie et un autre la sculpture, répondant aux intérêts et aux besoins différents des artistes comme des visiteurs », explique M. Cheng. « Une ration de peinture, un lopin de terre et l’argent gagné mis de côté ». C’est ainsi que les habitants de Zitong voient la vie depuis quelques années. En fait, leur vie change aussi de manière très subtile. Disposant d’un éventail grandissant d’options et d’un plus grand nombre d’espaces artistiques où passer leur temps de loisir, ils sont de plus en plus nombreux à choisir désormais de se rendre dans les galeries et à prendre leurs pinceaux.